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L’allaitement maternel

Des données nouvelles pour tordre le cou aux idées reçues

Texte Publié dans: La Revue du Praticien MG

Tome 7 ; n °226 du 20 Septembre 1993  p29-38

                                                                                Dr Marie Thirion - Pédiatre 

 

Attention:

Ce texte publié en 1993 comportait une erreur de physiologie, correspondant à ce que l'on savait il y a 15 ans. Il est publié ici une version corrigée en 2008.

 

Pourquoi, comment, quand, le lait de femme coule-t-il? Pourquoi certaines mères semblent-elles n’avoir pas de lait, pendant que d’autres ruissellent et s’engorgent ? Que dire à une jeune maman affolée devant les pleurs de son nouveau-né et la douleur de ses seins lourds et tendus ? Les données récentes de physiologie permettent de comprendre le mécanisme de la production-éjection du lait, donc de répondre clairement et efficacement aux difficultés de démarrage et de franchir le cap des premiers jours, au-delà duquel tout devient, devrait devenir normalement simple.

 

Repères anatomo-physiologiques

Pour bien comprendre le flux d'éjection, il n'est pas inutile de revoir, pour mieux cerner leur fonctionnalité, quelques repères anatomo-physiologiques.

LE SEIN

Le sein est une glande exocrine, c'est à dire comme toutes les autres glandes un organe plein. Il se compose de 4 tissus principaux [1] [2].

Un tissu glandulaire

Minime en période « non productrice » de la femme, il s'organise et se développe de façon considérable pendant la grossesse, spécifiquement pour l'allaitement.  À la fin  de l'allaitement ce tissu reprendra son volume «pubertaire». Composé d'alvéoles ou acini, regroupés en lobules puis en lobes, il s’ouvre  à la peau par une vingtaine de pores, émergences des canaux galactophores.

Les cellules fabriquant le lait (lactocytes) sont rangées en alvéoles composées d’une seule couche de cellules sans membrane basale ni tissu solide de soutien. Ce tissu extrêmement fin et fragile n’a donc aucune résistance à la pression et à l’étirement.

Le sein peut contenir une certaine quantité de lait, variable d'une mère à l'autre, d'un sein à l'autre . Ce volume, que l'on nomme capacité de stockage, conditionne la fréquence avec laquelle le bébé devra téter pour obtenir sa ration quotidienne de lait.

Ce volume contenu est stocké dans les alvéoles et devra être éjecté activement. Aucune glande exocrine ne se vide en appuyant dessus. Toutes ont le même mécanisme : un flux d'éjection actif, sous commande hormonale, elle même déclenchée par une stimulation  adaptée.

Un tissu capillaire sanguin et lymphatique

 

Lui aussi minime en période « non productrice », il se développe pendant toute la grossesse, réalisant une véritable éponge vasculaire autour du tissu sécrétoire. Soumis aux stimulations hormonales du post-partum immédiat et aux modi-fications de débit sanguin qui l'accompagnent, ces vaisseaux vont se dilater, se contracter, expliquant par là toutes les variations brutales de volume des seins. Si les capillaires sont trop distendus, ils deviennent poreux, laissant filtrer du sérum san-guin dans le tissu interstitiel. Ainsi se constitue un œdème périglandulaire, que nous avons à tort l'habi-tude d'appeler engorgement.

Il est donc bien évident qu'appuyer sur le sein ne peut qu'aggraver les problèmes, tout traumatisme sur un tissu fragilisé, des vaisseaux distendus ne pouvant qu'accélérer la fuite

sérique.

Un tissu contractile myo-épithélial

 Autour des alvéoles et des canaux, sont regroupées un certain nombre de fibres musculaires, aux ramifica-tions en forme de pieuvre autour des acini, réalisant une véritable résille contractile. Sous l'influence de l'ocytocine, hormone d’éjection, la pompe se met en route.

Cette résille se contracte de façon alternée : la résille des canaux se détend et s'ouvre au moment où la résille alvéolaire se contracte. Il existe donc une véritable alternance systole/diastole  pour amener activement le lait sous pression jusque dans la bouche de l'enfant. Il ne sert donc à rien de « tirer » ou d'aspirer le lait. Reprenons notre évidente comparaison : aucune glande de l'organisme ne se vide en aspirant au bout de son canal excréteur. Pour avoir du lait en quantité valable, il faut impérativement mettre cette pompe intérieure en route. On peut donc dire que le lait ne se fabrique que dans la mesure où il jaillit, qu'il sort sous pression. Et cela s'entend, car le bruit de déglutition du bébé est caractéristique au moment où le lait lui gicle dans la bouche. En écoutant un nouveau né qui tète, on entend très bien ce « déclic » de déglutition.

Un tissu interstitiel adipo-conjonctif

 Peu élastique, il s'enrichit pendant la grossesse de nombreuses réserves graisseuses en « sécurité d'apport » pour la production laitière.  La caractéristique de ce tissu pendant l'allaitement est son exceptionnelle richesse en éléments de défense anti-infectieuse, pour juguler au mieux les réactions œdémateuses et inflammatoires du démarrage.

L'ARÉOLE      .

C'est une zone très méconnue et pourtant fondamentale dans le fonctionnement du sein. De ses réceptions sensitives part le « signal » qui mettra en route les décharges hypothalamo-hypophysaires de prolactine et d’ocytocine, donc la production-éjection du lait.

Cette aréole se compose de plusieurs structures.

Une peau  pigmentée

 Elle est plus solide que celle du reste du sein, relativement riche en fibres conjonctives et élastiques, ce qui devrait lui permettre de résister aux efforts mécaniques de la tétée. Encore faut-il que le bébé tète en excellente position, complètement face au sein, pour que la distension mécanique soit équitablement répartie sur tout le pourtour de l'aréole. Si le bébé est placé trop latéralement ou trop bas, s'il doit tourner ou défléchir la tête pour atteindre le sein, il va étirer  une partie de l'aréole pour la maintenir dans sa bouche. Les zones les plus étirées dans ce mouvement risquent de craquer. Pour la même raison, il vaut mieux ne pas appuyer sur le sein ou mettre les doigts en ciseaux pour dégager le nez, ce qui provoquerait une nouvelle zone d'étirement. Si nécessaire (seins très gros ou très mous) mieux vaut le soutenir  de bas en haut, une main en corolle par dessous.

Le mamelon

 C'est la région dans laquelle s'abouchent les canaux galactophores excréteurs. Chaque canal est ouvert à la peau par un pore, et il y en a une quinzaine par mamelon. Ces pores s'ouvrent à la peau dès la période embryonnaire, donc n'auront jamais besoin d'être percés, malgré la persistance de certaines croyances populaires régionales ! Enfin, il n'existe aucun sphincter à I'orifice de ces canaux, preuve sup-plémentaire – s'il en était nécessaire – que le sein ne peut être un réservoir. Juste en arrière du mamelon, sous l'aréole, les canaux présentent chacun une minuscule dilatation (que nos fantasmes médicaux appellent « citernes » !), renfermant entre les tétées quelques gouttes de pré-lait ou « tisane », liquide de filtration passive (hors fabrication active du lait, hormono-dépendante), très pauvre en protéines et en graisses. L'analyse – sur prescription médicale ! – de ce pré-lait au cours des der-nières décennies a été à l'origine de tous nos discours sur le « lait de femme pas assez nourrissant ». Inutile de dire l'énormité de cette l'erreur.

Ce pré-lait juste en arrière de (10 à 20 cc max.) coule à la moindre pression sur cette région. Le bébé le reçoit dès qu'il commence à téter. Ce liquide chaud, aqueux et sucré le motive à poursuivre son effort, pour stimuler l'aréole, et provoquer dans le corps de sa mère après circuit hypothalamo-hypophysaire, le flux d'éjection.

Les tubercules de Montgomery

 Sur l'aréole apparaissent dès le début de la grossesse, et pour toute la durée de l'allaitement une dizaine de petites glandes sébacées, les tubercules de Montgomery [3]. Longtemps considérés comme un élément de lubrification du sein, leur rôle réel vient d'être élucidé. La sécrétion crémeuse qu'ils produisent est en réalité un « concentré d'odeur » spécifique de la mère, un puissant signal chimique qui guide le bébé dans sa recherche du sein [4]. Laver ou décaper l'aréole avec des produits à odeur forte sous prétexte d'hygiène, c'est enlever à l’enfant un repère essentiel, et donc prendre un risque pour la réussite de l’allaitement.

L'aréole : un organe sensible et érectile

 Enfin, dernier point complètement occulté dans nos enseignements sur l'allaitement, l'aréole est un organe sensible et érectile. Au cours de certaines stimulations tactiles, ther-miques ou érotiques, il se produit une congestion vasculaire du réseau de Haller entraînant une véritable érection, donnant -– enfin ! – au sein la forme que nous lui dessinons sur toutes nos planches iconographiques ! Dans l'allaitement, le mamelon ne prend sa forme « fonctionnelle » qu'après stimulation par la bouche du bébé. Donc la forme des mamelons au repos est absolument sans incidence sur la réussite de l'allaitement. Ils sont, au repos, normalement, plats et mous (comme d'autres organes de la reproduction !), et ne prendront leur forme active qu'au cours de la tétée. Arrêtons donc tous nos discours sur les bouts de seins plats ou ombiliqués qui ne sont que des bouts de sein au repos et rassurons les mères sur leur intégrité physique, tout à fait compatible avec la nutrition de leur bébé. Les exceptions à ce standard sont rarissimes, le plus souvent secondaires à un accident infectieux ou chirurgical antérieur.

Les récepteurs sensitifs transmettant le signal, à l'origine de l'érection se trouvent non sur le mamelon, mais sur tout le pourtour de l'aréole. Ce sont des récepteurs sensibles à un étirement (non à une pression, c'est fondamental ; nous y reviendrons) qui amène doucement l'aréole de sa périphérie vers le mamelon. Il est très facile au cours d'un allaitement de provoquer un authentique flux d’éjection en massant manuellement l'aréole comme je viens de l'expliquer, en prenant le temps de « passer le cap de la réaction hypothalamique », véritable temps de latence qui fait partie intégrante du déroulement d'une tétée.

Les récepteurs sensitifs du sein sont modifiés par l'imprégnation hormonale féminine : grossesse, post partum, syndrome prémenstruel ou pré ménopausique. C'est l'une des raisons de la grande sensibilité de l'aréole dans les premiers jours après la naissance, sensibilité souvent interprétée à tort comme une crevasse ou comme une douleur anormale, alors qu'il ne s'agit que d'une extrême sensibilité transitoire, qui s’apaisera au bout d'une dizaine de jours.

 

 

 

 

 

 

Repères fonctionnels

À partir de ces données anatomiques nous pouvons maintenant analyser les principaux repères fonctionnels.

Pour qu’un sein se mette à couler, se mette à fabriquer du lait, deux paramètres aussi essentiels l’un que l’autre vont être mis en jeu :

  • la qualité du signal provoqué par la bouche du bébé ;
  • la réaction du cerveau profond maternel qui va réagir à ce signal.

 

LE SIGNAL DE LA TÉTÉE

 Téter est une activité unique, génétiquement programmée, commune à tous les petits mammifères, tout à fait caractéristique. Le paradoxe de nos études médicales est que cette fonction, indispensable à la survie de l’espèce n’avait à ma connaissance jamais été décrite, sauf dans quelques vieux livres vétérinaires jusqu’en 1985. Depuis, quelques études de radiocinéma [5] et d'écho-graphie de la langue et du pharynx nous ont permis de comprendre la spécificité de ce mouvement.

Téter, c'est sortir la langue, en avant et au dessus des arcades dentaires, et lui faire effectuer, à un rythme rapide entrecoupé de pauses, un mouvement de va et vient. Ce mouvement horizontal et ondulant, se décompose schématiquement en plusieurs temps :

  • Le bébé prend en bouche le mamelon et la plus large partie d’aréole possible, en créant dans sa bouche une « dépression » minime, constante.
  • la langue sort vers l'extérieur en une avancée rapide, directe ;
  • elle rentre avec un mouvement péristatique ondulatoire, faisant « des vagues » sur l'aréole [6], un mouvement de léchage puissant
  • le mamelon et l’aréole sont plaqués vers le haut contre le palais et étirés par ce même mouvement

Ce double mouvement est puissant, et fait prendre en bouche toute l'aréole du sein (surtout pas le seul mamelon). Tous les récepteurs sensitifs en contact avec la langue sont ainsi largement stimulés. Peu de mères s'attendent à une telle puissance, à une telle force de la bouche de leur bébé. Il sera souvent utile de les rassurer, de calmer la sensibilité locale, jusqu'à ce que les aréoles et elles mêmes se soient habituées à une telle excitation.

Téter, c'est surtout déglutir lorsque la langue est sortie, au bout de son parcours vers l'extérieur, à la fin du premier temps du mouvement. Cette déglutition, que vous connaissez tous sous le nom de « déglutition infantile », est strictement coordonnée au rythme de la langue, permettant au bébé l'exploit de téter, avaler et respirer sans avoir à lâcher le sein. Cette déglutition, physiologique pendant les premiers mois de vie, ne devrait normalement évoluer vers une déglutition de type adulte qu'avec l'introduction des premiers aliments solides, donc vers 4 ou 6 mois. Mais...

Le mouvement que doit faire le bébé pour se nourrir au biberon, mouvement que pour la clarté de l’exposé j'appellerai ici « sucer », n'a rien à voir avec ce qui vient d'être décrit.

Pour que le lait puisse sortir du biberon, il faut ouvrir les trous, donc appuyer verticalement sur la tétine. Pour cela le bébé pince la tétine entre ses 2 gencives, et pour ne pas mordre sa langue, il la laisse en arrière, en dedans de l'arcade dentaire inférieure.

Le biberon n'ayant pas de flux d'éjection actif, le bébé doit aspirer le lait.

Au moment de la déglutition, il ne peut sortir sa langue, coincée sous la tétine et ne peut qu'ébaucher un mouvement vers le haut, vers le palais, spécifique de la déglutition « adulte ». Dès lors, et parce que sa survie dépend de la précision abso-lue de sa déglutition, le bébé risque de perdre sa technique, il perd le réflexe de téter et ne sait plus que sucer. Dans ce cas, lorsque sa mère le mettra au sein il prendra les quelques grammes « de tisane » rétro-aréolaire en pinçant l'aréole et ne saura plus provoquer un vrai flux d’éjection. Il semble que s'explique par ce mécanisme  cette foule de bébés qui ne prennent jamais plus de quelques dizaines de grammes au sein, de mères qui « n'ont pas de lait », et dont les biberons de complément augmentent vite au fil des jours alors que la ration au sein reste désespérément minime et stable. Ration de filtration passive et non de lait nourrissant, mais qui le leur dira ?

Le bébé doit téter visage face au sein sans avoir à tourner le cou

 Enfin dernier point pour la qualité d'une tétée au sein : la position du bébé est l'un des éléments clés de réussite. Nul ne peut déglutir tête fléchie, ou largement défléchie, ou tournée latéralement, sous peine d’inconfort et de fausse route (essayez, c'est très instructif !). La coordination inconsciente de la déglutition nous amène spontanément à rechercher une position « dans l'axe » avant d'avaler.

Dans les conseils que nous prodiguons aux mères pour leur éviter d’avoir mal au dos, nous avons oublié cette donnée. Le bébé est souvent placé latéralement, le corps tourné vers le haut, et doit tourner largement le cou pour se situer face au sein. Sa déglutition sera     

inconfortable et malaisée. Il peut se déshabituer de téter pour éviter d'avoir mal. Encore une cause de ce que nous appelons manque de lait…        

La bonne position du bébé au sein, indispensable à une tétée efficace peut se résumer ainsi : corps face à celui de sa mère, nombril contre la mère, visage face au sein, menton collé au sein, ce qui dégage naturellement le nez. 

Plusieurs positions correspondent à ces critères . 

Regardez les bébés au sein que vous serez amenés à accompagner ou les pratiques habituelles des maternités. Nous sommes loin de ces évidences.

 

LE TEMPS  CÉRÉBRAL DE GESTION DE L'INFORMATION

Le signal qu’un bébé est en train de téter est transmis par voie nerveuse depuis les récepteurs sensitifs de l'aréole jusqu'au cerveau profond, hypothalamo-hypophysaire. Celui-ci, s'il reconnaît le signal spécifique, lève le facteur inhibiteur dopaminer-gique de la prolactine et donne l'ordre à l’hypophyse de sécréter prolactine et ocytocine. Ces 2 hormones, par voie sanguine, rejoignent le sein et mettent en route le processus de fabrication et d’éjection synchrone.

Ces notions de physiologie, bien connues, présentes dans tous les articles sur l'allaitement, ne méritent pas d'explications plus détaillées. Pourtant un certain nombre de points pratiques peuvent apporter une sérieuse contribution à la compréhension [7], donc à 1'aide que nous saurons apporter aux mères.

Ce mécanisme à déclenchement hypothalamo-hypophysaire, donc cerveau profond non cortical, est indépendant de la conscience et d la volonté. Une mère peut nourrir facilement son bébé en dormant. Le désir conscient et la volonté de réussir un allaitement sont des facteurs nécessaires mais non suffisants de réussite. Nous avons trop tendance à croire que les échecs sont la preuve d’un désordre psychologique ou d'un non désir larvé. C’est souvent faux. Il y a un apprentissage du corps à optimiser.

L'hypothalamus, dans ses principales régulations est sensible aux émotions, à la vue et aux odeurs [8]. Une grande émotion (bonne ou mauvaise !) fait perdre le sommeil ou dormir comme un loir. Une émotion coupe l’appétit ou donne une faim d’ogre. Une émotion fait frissonner ou transpirer. Une émotion provoque une pollakyurie, ou bloque la miction. Inutile de décrire à quel point le climat émotionnel conditionne une érection et une éjaculation.

Dans l’allaitement, le processus est exactement le même. Plus les émotions que « brasse » la mère sont violentes, plus il y a risque de bloquer le flux d'éjection. Plus la mère est calme, paisible, se laissant flotter dans un bien-être euphorique, moins elle intellectualise ce qui se passe en elle, plus elle a de chance de voir son lait jaillir.

Dans ces conditions, la mise en route d'un allaitement devrait se dérouler dans l'intimité la plus totale, dans le calme avec, si la mère le demande, la présence chaleu-reuse positive d'une personne silencieuse pour l'assister.  Le lit d'hôpital et les chambres à plusieurs lits, la nudité des seins, le regard «voyeur» des visiteurs ou des soignants, les explications théoriques   

trop tardives et les commentaires plus ou moins désagréables sur le volume des seins, la position du bébé, sa perte de poids, les raisons de ses pleurs ou, pire, la menace imminente d'une hypoglycémie, sont autant de facteurs d'échec dont nous n'avons aucune conscience et qui pourtant grèvent lourdement, à mon sens, la réussite des allaitements.

 Enfin, comme pour toutes les autres régulations hypothalamiques citées plus haut, la fonction allaitement s'organise en quelques semaines pour être moins dépendante des émotions.

L'hypothalamus se crée un « conditionnement » qui en dehors d'une difficulté majeure permettra de fonctionner avec la plus grande simplicité et un maximum de sécurité dans la production. Plus les expériences initiales sont réussies et paisibles, meilleur sera le conditionnement. À nous médecins, d'en créer les conditions, au lieu  de conseiller un arrêt d'allaitement à la moindre difficulté.

EN PRATIQUE, COMMENT TOUT  CELA SE DÉROULE-T-IL ?

 Il est très simple de suivre le déroulement d’une tétée réussie, d’en repérer les différents temps, sans avoir besoin d’aucun autre paramètre de surveillance pour un nourrisson en bonne santé.

  • Premier temps,

le bébé stimulé par l'odeur de l'aréole cherche le sein, se positionne activement et prend en bouche largement le pourtour de l'aréole. Ce faisant, il prend la vingtaine de grammes de pré-lait rétro-aréolaire, peu nourrissant, mais qui le motive à poursuivre sa tétée.

1l y a un temps de latence entre le début de la tétée et l'éjection du lait

  • Deuxième temps :

le temps de latence. Pendant quelques secondes, mais parfois les premiers jours pendant plusieurs minutes, il ne se passe rien. Il n'y a apparemment «plus de lait» dans le sein. Certains bébés coopérants patientent courageusement en faisant travailler leur langue, d'autres se fâchent très fort et affolent le public. Difficulté à négocier  

      Troisième temps : I'ocytocine et prolactine arrivent au sein. Les signes peuvent être  nettement perçus par la mère :

  • le mamelon et l'aréole se mettent en érection,
  • les fibres myoépithéliales se contractent, ce que la mère perçoit comme une sensation de durcissement, de tension (le lait monte ! disent elles), parfois de picotements ou de douleur en coup de poignard. Au même moment, l'ocytocine peut provoquer des réactions à distance : tranchées utérines, contractions intestinales ou vésicales,
  • les premiers flux de lait jaillissent, ce que le bébé fait entendre modifiant radicalement le bruit sa déglutition.

    Quatrième temps :

en 20 ou 30 minutes le sein va être 1'objet de plusieurs flux d'éjection (3 à 5 en moyenne de quelques minutes chacun). Il y aura une alternance de périodes actives où le bébé tète « la bouche pleine » et de pause où la tétée semble moins productive.

Dès que la lactation est bien en route, que le conditionnement cérébral est en place, le rythme de ces flux devient assez stable, modulé par la bouche du bébé. Le premier flux est alors presque immédiat dès que le bébé commence son mouvement, la mère perçoit nettement les moments de pause. Les flux suivants au cours d'une même tétée sont un peu plus longs à se mettre en place quand le bébé reprend son mouvement. À l'harmonie de ce rythme, la mère a une assurance que son bébé est bien nourri, prend tout ce dont il a besoin et envie.

Dans les premiers jours de vie ce déroulement est largement perturbé par les émotions de la mère et/ou du bébé, par le rythme de sommeil et les endormissements subits, par la non découverte de la satiété, par la crainte de mal faire ou de

« n'avoir pas assez ».

Au bout de quelques semaines, tout cela s'apaisera et l'allaitement deviendra réellement le jardin des délices, dans cette relation où, – comme le dit le Cantique des Cantiques – coulent le lait et le miel.

 

 

 

 

 

Quelques références :

* un film pédagogique remarquable sur le traitement de l'engorgement par le massage de l'aréole a été tourné à l'école de sages-femmes de Poissy. Il s’intitule : « Le Massage Aréolaire... comme une tétée manuelle ». École de sages femmes, région Î1e de France Tél. 01.39.79.51.11.

[1] Martinet J, Houdebine LM. La lactation. La Recherche  1982; 13 (131 ): 300 10.

[2] Delouis C, Richard P. La lactation. In: La reproduction chez les mammifères et l'homme. Editions de l'INRA. Ellipses, 1991: 487 514.

[3] Schaal B, Porter R. L'olfaction et le dévelop-pement de l'enfant. La Recherche, 1990, 227 (21): 1502 10.

[4] Montagner H, Schaal B. Données nouvelles sur les systèmes d'interaction entre le nouveau-né et sa mère. Éditions du CNRS. Comporte-ments, 1986; n•6 :125 54.

[5] Fischer C. La position de l'enfant au sein - Médecine et enfance 1987; 7 (5): 223 38.

[6] Lawrence RA. Breast feeding. Pédiatre Rev 1989; 11 (n•6) :163 71.

[7] Short R. Hormones et allaitement. In: Ces hormones qui nous gouvernent. Ouvrage collectif préface par Mauvais Jarvis P. Bibliothèque pour la science. Juillet 1990: 46 57.

[8] Samson et Wright. Hypothalamus et système limbique. In: Physiologie appliquée à la médecine. Flammarion Medecine Sciences, 1989: 381 91.

(9) La production laitière. Ouvrage sous la direction de Metge. Nathan, 1990; (Vl11): 151 62.                                                      



 

 




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