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Histoire de l'allaitement en France : pratiques et représentations


Catherine Rollet

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Laboratoire Printemps CNRS

Novembre 2005

Le lait est avec le sang et le sperme une des grandes humeurs fondamentales du corps humain ; comme tel, il est toujours chargé d'une haute valeur symbolique. Dans de nombreuses cultures, l'allaitement est une force mystérieuse qui met en jeu les pouvoirs du lait et qui confère à certains enfants un destin singulier. C'est les cas de certains dieux ou héros de la mythologie antique qui ont été allaités de manière extraordinaire : ainsi Jupiter, nourri par la chèvre Amalthée, ou Romulus et Rémus, allaités par une louve. Par le lait passent les qualités physiques et morales de la mère, de la nourrice ou de l'animal nourricier. C'est tout un héritage qui se transmet par le lait. Dans de nombreux systèmes de parenté, les liens créés par le lait sont aussi forts que ceux créés par le sang. Ainsi, dans la vallée du Niger, la parenté proche, entre frères de lait, appelée joliment "lait du sein entre nous" est aussi forte que s'ils étaient frères utérins. En France, cette parenté peut créer les mêmes interdictions d'alliance que la parenté biologique.

En France comme dans toutes les sociétés anciennes ou traditionnelles, l'allaitement de l'enfant par une femme est la règle générale, dans la mesure où il n'y a pas d'alternative possible au lait de femme. La période de l'allaitement est, avec la grossesse, un temps fort dans la vie d'une femme : le lait qui lui monte dans les seins après l'accouchement est la suite naturelle et nécessaire de la grossesse ; il est indispensable à la croissance du bébé.

Les théories sur le lait

La manière dont le lait est fabriqué dans le corps maternel reste mystérieuse ; les explications qu'on en donne sont extrêmement variées et souvent d'une grande richesse symbolique. En Occident, depuis l'Antiquité, on considère le lait comme du sang cuit et blanchi : pendant la grossesse, le foetus est nourri du sang maternel par l'intermédiaire du placenta ; après l'accouchement, le sang qui allait à la matrice ne trouve plus à s'y employer ; il "monte" aux mamelles de la mère où, après une "coction" (cuisson), il se transforme en lait. On ne saurait mieux indiquer la continuité totale entre grossesse et allaitement. C'est cette continuité biologique qui est à la source des plaidoyers incessants des médecins de l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle, en faveur de l'allaitement maternel. C'est bien elle qui est encore implicite, au début du XXe siècle, dans la maxime préférée du grand accoucheur Adolphe Pinard : "le lait de la mère appartient à l'enfant".

L'allaitement à la demande

L'allaitement à la demande est un grand invariant, dans la plupart des cultures anciennes et extra-européennes. Dans la France ancienne, comme chez les Chinois du XVIIe siècle ou chez les Miang Tuu d'Indonésie, le bébé est allaité dès qu'il pleure, de jour comme de nuit, ce qui suppose qu'il ne quitte guère sa mère. Les mères d'autrefois donnaient le sein très fréquemment même à des enfants assez grands : jusqu'à 9 à 11 fois dans la journée, et 4 à 6 fois la nuit.

Ces tétées très nombreuses ne sont pas toutes alimentaires : il est avéré que certaines fois le bébé n'avale pas grand chose et se contente de suçoter le mamelon. La poitrine maternelle rassure et console. Certaines femmes sont ainsi amenées à spécialiser leurs seins : l'un sert à nourrir, l'autre à apaiser. Il est donc fréquent que le bébé repu ou calmé s'endorme sur la mère. Au fur et à mesure que l'enfant grandit, la fonction alimentaire du sein décline : il est de plus en plus nourri de nourritures solides, mais le sein reste nécessaire pour apaiser les peurs et les tensions. Une femme du pays de Sault, une vallée des Pyrénées, raconte qu'à quatre ans, un enfant montait sur un petit escabeau pour s'approcher de sa mère qui travaillait pour attraper son sein, téter et se rassurer. Dans ces conditions, les mères allaitaient souvent les enfants en public et tout en travaillant à la maison ou au dehors.

Les conséquences de ces tétées à la demande sont multiples et de grande importance : les bébés ne pleurent jamais longtemps, car dès qu'ils expriment le besoin de téter, ils sont satisfaits. Les cris des petits sont toujours considérés avec sérieux dans des sociétés où la mortalité infantile est importante : on redoute qu'ils ne se transforment en convulsions, qu'on ne sait pas guérir. Autre conséquence : les bébés ne sucent pas leur pouce, car leur besoin de succion est contenté par la mise au sein fréquente. Enfin, ils dorment presque toujours dans le lit maternel pour être commodément allaités la nuit, souvent par une mère à demi endomie, même s'ils ont par ailleurs un berceau pour la journée. L'allaitement à la demande construit entre la mère et le nourrisson une symbiose étroite qui prolonge véritablement, à l'air libre, le temps de la grossesse.

Pourtant dans certaines populations traditionnelles, l'allaitement à la demande entre en conflit avec les activités de production de la mère, ce qui implique alors une certaine régulation des tétées. Les paysannes étaient obligées de combiner les tétées avant de partir et au retour et des bouillies données par la grand-mère, une soeur ou une servante pendant la journée. Cependant, beaucoup d'entre elles emmenaient leurs bébés aux champs dans des corbeilles qu'elles surveillaient du coin de l'oeil. Une jeune femme du pays de Sault raconte qu'ayant emmené ainsi son bébé aux champs, elle aperçut une vipère qui s'approchait de la corbeille car, expliqua-t-elle, les serpents sont attirés par l'odeur du lait que recrache le bébé. Elle se jura de ne plus emmener le poupon aux champs. Noter entre parenthèses la persistance du mythe de la proximité du serpent qui représente le mal, le démon, dans notre culture, et le lait. De même, aux premiers temps de la révolution industrielle, les mères emmenaient avec elles à la manufacture leurs nouveau-nés qu'elles allaitaient. Dans une atmosphère pas toujours très salubre (chaleur étouffante, humidité ou sécheresse de l'air, bruit assourdissant...), les mères pouvaient allaiter leurs bébés à la demande.

L'invention des horaires stricts de tétées pour le bien du bébé, en dehors des contraintes du travail maternel, sont une innovation récente des médecins occidentaux de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle. Au départ, cette réglementation repose sur l'observation des mécanismes et des temps de digestion du lait animal ; les médecins ont transposé cette nécessité d'un temps de repos entre les prises aux nourrissons allaités au sein, sans se soucier des grandes différences entre lait animal et lait de femme. Il est avéré en particulier que ce dernier est déjà prédigéré et donc d'une assimilation rapide pour le nouveau-né, quels que soient les délais entre les tétées. En fait, les tétées à heures fixes (toutes les trois heures minimum le jour, jamais plus de deux la nuit) ont aussi un but de dressage de l'enfant. Dans le contexte de la société bourgeoise du XIXe siècle, elles ont été inventées pour habituer dès la naissance le nouveau-né à un contrôle de ses besoins : il ne faut pas, disait-on, lui donner de "mauvaises habitudes", il faut le "régler" et donc le laisser crier s'il a faim avant l'heure ; il apprendra ainsi que, dans la vie, on n'obtient pas tout, tout de suite ; et que les horaires doivent être respectés. Cet espacement strict des tétées, imposé aux mères par la nouvelle puériculture médicalisée qui se met en place dans la deuxième moitié du XIXe siècle, a été aussi instauré avec rigueur dans les services de maternité des hôpitaux du XXe siècle, car cela arrangeait bien le personnel, en simplifiant l'organisation et la gestion de la manipulation des bébés, qui à l'époque étaient souvent séparés de leurs mères, parfois le jour et toujours la nuit. La règle sacro-sainte des tétées toutes les trois heures a donc prévalu dans tous les espaces médicalisés, où les femmes sont allées accoucher de plus en plus, à partir des années 1950. Jusqu'à ce qu'on s'aperçoive assez tard, dans les années 1980, que c'était souvent la cause de l'échec de l'allaitement maternel, les mères ayant besoin, au début, de donner souvent le sein, en petites quantités, pour stimuler leur sécrétion lactée, ne pas fatiguer un nouveau-né trop faible et éviter engorgements et abcès.

Le plaisir d'allaiter

Le plaisir d'allaiter est rarement décrit dans les observations anthropologiques sur les sociétés traditionnelles. En revanche, en Occident, il est souvent évoqué dans les textes médicaux anciens. C'est un double plaisir, à la fois tourné vers l'enfant et vers le corps maternel. C'est d'abord une joie de sentir le nourrisson s'apaiser en tétant et en enfouissant sa petite tête dans le sein accueillant, de le voir grandir et grossir tous les jours. Laurent Joubert, médecin français du XVIe siècle a donné une très belle description des joies que donne le nourrisson qui tête : "Je vous prie, que l'on estime un peu le plaisir que l'enfant donne (...) Y a-t-il passe-temps pareil à celui que donne un enfant qui mignarde et flatte sa nourrice en tétant : quand d'une main, il découvre et manie l'autre tétin, de l'autre lui prend ses cheveux ou son collet en s'y jouant ; quand il rue coups de pieds à ceux qui le veulent détourner, et en un même instant jette de ses yeux mille petits ris et oeillades à la nourrice.[1]" A la même époque, le chirurgien Ambroise Paré va plus loin ; il décrit le plaisir physique éprouvé par la femme qui allaite : "Or y a-t-il une sympathie des mamelles à la matrice : car chatouillant le tétin, la matrice se délecte (...) et sent une titillation agréable, parce que ce petit bout de la mamelle a le sentiment fort délicat, à cause des nerfs qui y finissent (...) la femme offre (...) volontiers ses mamelles à l'enfant qui les chatouille doucement de sa langue et de sa bouche. A quoi la femme sent une grande délectation, et principalement si le lait y est en abondance." Au XVIIIe siècle, le docteur Desessartz qui s'efforce d'encourager les femmes des milieux aisés à allaiter, rapporte le témoignage d'une jeune mère à qui il a demandé ce qu'elle avait éprouvé la première fois qu'elle avait donné le sein ; le plaisir, évoqué ici, est bien proche de l'orgasme : "Il m'est difficile, dit-elle, de rendre ce qui s'est passé en moi, j'ai senti une commotion que je ne peux comparer qu'à celle que produit l'étincelle électrique ; aussi vive qu'elle, elle m'a soulevée, m'a entraînée vers mon enfant, elle s'est bientôt épanouie dans tout mon corps en y répandant une chaleur délicieuse, à laquelle a succédé le calme d'une volupté inexprimable, lorsque mon enfant a saisi le mamelon et a fait couler la liqueur que la nature et ma tendresse lui destinaient."[2]. Un peu plus tard, Prost du Royer, lieutenant de police, explique : "La voix de la nature s'est fait entendre dans le coeur de quelques-unes de nos jeunes femmes... Plaisirs, charmes, repos, elles ont tout sacrifié. Mais qu'elles nous disent si les inquiétudes et les privations de leur état ne sont pas une jouissance comme toutes celles que cause l'amour. Qu'elles nous peignent les douces émotions... que ressent une mère nourrice, lorsque, suçant son lait, lui souriant, jetant ses bras autour d'elle, l'enfant semble la remercier..."[3]. Mais déjà la tonalité est différente : Prost parle de sacrifice de même que ses successeurs. Le docteur Gilibert notent le plaisir des mères qui s'accomplissent dans les tâches les plus ingrates : "Ces mères trouvent un plaisir indéfinissable dans tout ce qui les rebutait lorsqu'elles étaient filles"[4] et madame Verdier-Heurtin souligne "Ces privations, qui vous paraissent cruelles, ce changeront en de pures jouissances"[5]. Au début du XXe siècle, Freud montre comment l'allaitement est une relation sexualisée, gratifiante pour la mère et fondatrice pour le bébé : "Quand on a vu l'enfant rassasié abandonner le sein, retomber dans les bras de la mère, et les joues rouges, avec un sourire heureux s'endormir, on ne peut manquer de dire que cette image reste le modèle de l'expression de la satisfaction sexuelle qu'il connaîtra plus tard."  A cette époque, seule la psychanalyse reconnaît la réalité du plaisir d'allaiter. Aucune mention n'en est faite dans les manuels de puériculture qui sont alors publiés en grand nombre, sauf exception : ainsi Gaston Variot, dans son manuel La puériculture pratique, 1913, cite de longs passages du texte de Laurent Joubert : il est bien le seul.

L'expérience de l'allaitement

            En dehors des milieux médicaux, il existe quelques textes littéraires décrivant les joies de l'allaitement, sans compter l'adage populaire : "Tant que l'on nourrit, l'on rit".

Balzac, dans un passage des Mémoires des deux jeunes mariées, étonne par la modernité de ses propos sur l'expérience de l'allaitement. Il se complaît à décrire les joies d'allaiter, joies physiques et psychiques mêlées. Renée de Lestorade allaite Armand, son premier-né, avec passion : "Le petit monstre a pris mon sein et a tété : voilà le fiat lux ! J'ai soudain été mère. Voilà le bonheur, la joie, une joie ineffable, quoiqu'elle n'aille pas sans quelques douleurs. [...] Ce petit être ne connaît absolument que notre sein. Il n'y a pour lui que ce point brillant dans le monde, il l'aime de toutes ses forces, il ne pense qu'à cette fontaine de vie, il y vient et s'en va pour dormir, il se réveille pour y retourner. Ses lèvres ont un amour inexprimable, et quand elles s'y collent, elles y font à la fois une douleur et un plaisir, un plaisir qui va jusqu'à la douleur, ou une douleur qui finit par un plaisir ; je ne saurais t'expliquer une sensation qui du sein rayonne en moi jusqu'aux sources de la vie [...]. Enfanter, ce n'est rien ; mais nourrir, c'est enfanter à toute heure. Oh ! Louise, il n'y a pas de caresses d'amant qui puissent valoir celles de ces petites mains roses qui se promènent si doucement, et cherchent à s'accrocher à la vie"[6].

On ne saurait mieux décrire ce plaisir de l'allaitement, pour le bébé comme pour la mère, plaisir qui, selon Balzac, fait la mère et rivalise avec le plaisir sexuel. Ce roman est écrit en 1841, rares seront les auteurs qui, dans la seconde moitié du siècle, se risqueront à célèbrer l'allaitement avec autant de lyrisme. Zola est l'exception. Marianne, l'héroïne de Fécondité, un des trois volumes du tryptique des Quatre Evangiles, allaite successivement ses enfants : c'est le tour du petit Gervais, le cinquième : "Ah ! le petit diable, il me mange, il vient de rouvrir ma crevasse ! [...]" Le père contemple la scène : "Il n'était pas d'épanouissement plus glorieux, de symbole plus sacré de l'éternité vivante : l'enfant au sein de la mère. C'était l'enfantement qui continuait [...][7]. Et Zola de célébrer le bonheur et la fécondité de ce couple généreux qui donne la vie et le lait à profusion tandis qu'ailleurs, la vie est calculée, sinon détruite.

En un demi-siècle, la tonalité des discours a changé, l'allaitement, de plaisir, est devenu devoir sous la plume des médecins. Et, pour un même milieu, la fréquence de l'allaitement a beaucoup varié selon les générations et les modes : dans la famille Boileau, l'allaitement n'est guère à l'honneur avant 1890, c'était "une fantaisie bien inutile", et même "une grande folie" de s'entêter à nourrir ses enfants comme le fait Marie Boileau. Marie, qui avait allaité ses deux aînés un an, les trois suivants quatre mois et la dernière six mois, était une originale aussi bien pour le nombre d'enfants que pour son attitude à l'égard de l'allaitement. La génération suivante, au contraire, se convertit à l'allaitement par la mère : "tous ici [...] trouvent que c'est un crime à Jeanne que de ne pas nourrir"[8]. La jeune femme subit les pressions inverses de celles que sa mère avaient connues trente ans plus tôt : parce que la santé et la vie des mères ne paraissent plus menacées, celles des bébés ont pris la première place. à cette même époque, observe un médecin, "les populations agricoles opèrent un mouvement inverse, elles se détachent de l'allaitement au sein pour faire de l'alimentation artificielle", ceci pour être plus libre, et parce que "elles ont le bon lait".[9] Selon ce même médecin, les femmes de mineurs restent fidèles à l'allaitement au sein, de même que les femmes de marins. La différenciation sociale du mode d'allaitement reste très forte en ce début du XXe siècle.

Les tabous sexuels pendant l'allaitement

Les tabous sexuels pendant l'allaitement sont communs à toutes les cultures. Dans la tradition occidentale, la mère qui allaite ne doit pas avoir de relations sexuelles pour deux raisons : d'abord, parce que l'acte "vénérien" en lui-même risque de déranger ses humeurs et particulièrement le lait qui est la plus fragile de toutes ; ensuite, parce qu'elle risque de devenir enceinte : la grossesse passe pour gâter le lait de manière précoce et irrémédiable. Ce tabou sexuel est très bien observé dans la France ancienne jusqu'au XVIIe siècle. Sa rigueur explique d'ailleurs pourquoi, dans les milieux aisés, les maris s'opposent souvent à ce que leur femme allaite : ils ne veulent être privés de leurs femmes pendant une ou deux années qui s'ajoutent au temps de la grossesse ; ce sont donc eux qui imposent la mise en nourrice, qui les décharge sur une domestique du tabou du sexe pendant la lactation. Au XVIIIe siècle, quand le plaidoyer en faveur de l'allaitement maternel devient très fort, les médecins reconsidèrent leurs exigences sur ce point : pour que les mères allaitent, ils sont prêts à consentir à la reprise des relations sexuelles, à condition que cela se fasse de manière modérée à l'intérieur du couple ; les nourrices, quant à elles, restent soumises au tabou sexuel le plus strict.

Allaitement et retour des règles

Physiologiquement, l'allaitement, quand il est complet, est un inhibiteur de l'ovulation, donc aussi des règles. Les populations traditionnelles connaissent bien intuitivement ce pouvoir anticonceptionnel de l'allaitement. Médicalement, il est avéré que l'aménorrhée d'une femme qui allaite complètement est totale (à 98%) jusqu'à 6 mois ; au delà, il peut y avoir reprise de l'ovulation et des règles, mais en cas d'allaitement, la mise en route d'une grossesse est difficile. Ce sont les femmes mal nourries, ayant peu de lait, donnant le sein fréquemment et en petites quantités, qui sont les mieux protégées.

En Occident, toutes les théories médicales anciennes insistent sur l'incompatibilité entre les évacuations de sang et la production de lait de qualité. Cela pouvait entraîner des comportements aberrants : en France, aux XVIe et XVIIe siècles, les médecins interdisaient à leurs patientes fortunées d'allaiter jusqu'à la fin des évacuations sanguines des lochies consécutives à l'accouchement, qui pouvaient parfois durer plus d'un mois. Pendant ce temps, leur bébé était allaité par une nourrice et elles devaient se faire dégorger les seins par des femmes spécialisées dans cette fonction (qui recrachaient le lait tété), ou pire, par des petits chiens ! Il n'est pas étonnant que, dans ces milieux riches, la plupart des femmes et leurs maris aient préféré le recours définitif à une nourrice. Au XVIIIe siècle, quand les médecins ont essayé d'inciter les Françaises à allaiter, ils ont d'abord établi le caractère bénéfique du lait des premiers jours (malgré les évacuations sanguines) et, tournant le dos à la tradition, ils ont nié le caractère nocif des règles sur la qualité du lait.

Mais les vieilles idées sur le sang des règles qui gâte le lait ont la vie dure, ainsi qu'en témoigne, en 1859, cette lettre, écrite dans l'affolement à sa mère, par une jeune femme, Caroline Duméril-Mertzdorff, qui allaite sa petite fille de cinq mois, le lendemain du jour où elle s'aperçoit que ses règles sont revenues :

"(...) tu juges combien j'étais inquiète et effrayée; j'avais entendu dire que lorsqu'une semblable chose arrivait à une femme, elle devait sevrer et cette idée me bouleversait, car donner à téter à Mimi est une de mes plus grandes joies ; à midi, ne sachant que faire, la petite étant si triste de ne rien avoir, j'ai envoyé Mme C. (qui l'aide à soigner l'enfant) chez le docteur qui m'a fait complètement rassurer, me disant qu'il avait vu maintes fois des cas semblables non seulement chez les mères, mais chez des nourrices que l'on avait gardées sans que les enfants en souffrissent (...). Ainsi rassurée, je me suis d'abord fait téter par un enfant plus âgé, puis ensuite par ma petite, mais voilà qu'en moins de dix minutes elle avait tout rendu par le haut et par le bas et la même chose était arrivée à l'autre enfant. J'ai fait alors chercher le docteur, mais il faut vous dire que le matin, à l'idée de sevrer l'enfant, j'avais eu un très violent chagrin et que j'avais énormément pleuré (...). C'est à ce chagrin et à ces larmes que le docteur a attribué ce lait indigeste qu'a pris la petite et l'ayant trouvée parfaitement bien du reste, il m'a tout à fait engagée à lui donner à téter ; cette fois en effet, elle a bien digéré et s'est endormie à 6h pour ne se réveiller qu'à 10h1/2, alors elle a mangé sa soupe et s'est rendormie jusqu'à 5h dans la matinée ; elle vient de téter et de manger sa soupe et quoiqu'elle ait eu deux selles, son estomac paraît très bien. Le docteur vient de venir et m'a répété que je ne dois m'agiter en aucune manière, qu'il y a beaucoup de travaux faits sur ce sujet et que l'analyse prouve que le lait dans cette circonstance contient moins de matières nourrissantes, mais ne renferme rien de nuisible pour l'enfant. (...) Malgré cette aventure je me porte parfaitement, mange et dors très bien et ai beaucoup de lait, d'ailleurs mon indisposition n'est pas très forte (...)[10]"

Le recours aux nourrices : un phénomène ancien

Les nourrices ne sont pas une invention de la "modernité". On a des témoignages très anciens du recours aux nourrices pour toute l'aire qui constitue la matrice de l'Europe[11]. Le Code d'Hammourabi, par exemple (Hammourabi, roi de Babylone aux XVIIIe siècle av. J.C.) punit la nourrice qui, pendant le temps de l'allaitement prévu au contrat et sans prévenir les parents, prend un autre enfant pour remplacer l'enfant mort. Le châtiment est terrible : on lui enlève les seins ! A Rome, à Babylone, mais aussi dans l'ancienne Egypte et en Grèce, il est certain que la société n'ignorait pas l'allaitement par une nourrice. Pour quels motifs ? Il s'agit parfois d'une solution qui est prise par stricte nécessité : la mère est morte, elle n'a pas du tout de lait[12], elle met au monde des jumeaux, elle est malade, etc... Dans tous ces cas, pendant des siècles, le recours à une nourrice s'est imposé pour nourrir le nouveau-né. Certaines sociétés prévoient ainsi explicitement qu'il est impossible au mari d'imposer à sa femme l'allaitement de jumeaux. L'enfant est confié à une nourrice installée chez soi, laquelle est le plus souvent une esclave. A Rome, les nourrices préférées étaient d'origine grecque[13]. Ce choix est-il lié à l'idée fort ancienne et quasiment universelle selon laquelle avec son lait, la nourrice transmet ses traits de caractère, voire sa culture ? Pour les Romains épris de tout ce qui venait de Grèce, par opposition à la barbarie, importait-il que l'enfant soit allaité et endormi au sein des berceuses grecques ? Cela est fort probable.

Un privilège des riches

Mais il existait aussi des raisons strictement sociales qui poussaient les familles à choisir une nourrice : il n'était pas digne d'une femme de la haute société d'allaiter soi-même son enfant. Que l'on appartienne à la famille des Pharaons, à la notabilité athénienne ou romaine, on déléguait le soin d'allaiter et de soigner son enfant à une nourrice soigneusement recrutée. Les nourrices pouvaient jouir comme en Egypte d'un statut élevé : chaque nouveau-né de la lignée royale était pourvu de plusieurs nourrices et les enfants de ces nourrices avaient le rang de soeurs ou de frères de lait du Pharaon[14]. De même dans les cités grecques et à Rome, il était très fréquent, sans être absolument général, que les dames de la bonne société se fassent remplacer dans leurs devoirs de mères. Ainsi le  décidait le mari et père des enfants. En tant que conseillers des familles, les médecins n'ont pas hésité à donner des conseils sur le choix des nourrices. Les plus grands médecins du monde romain se sont prononcés sur la question. Les descriptions de Soranos d'Ephèse (IIe siècle ap. J.C.) permettent ainsi de se faire une idée de la nourrice "idéale" : elle a entre 20 et 40 ans, elle est honnête, égale d'humeur, sympathique, elle jouit d'une bonne santé, elle a un bon teint, elle est de taille moyenne ; son enfant a moins de deux mois, elle est propre, son lait n'est ni trop clair, ni trop épais, etc. [15] On retrouve une grande partie de ces conseils  dans les traités de médecine tout au long des siècles et jusqu'au XXe siècle[16].

Sans doute une des raison d'admettre ces comportements tient-elle à la croyance selon laquelle l'allaitement était incompatible avec la reprise des rapports sexuels, d'où la recherche d'expédients si le couple désire reprendre sa vie sexuelle, si l'intérêt de la famille exige que la femme reprenne sa liberté par rapport à ce qui peut apparaître comme une contrainte, si l'intérêt de la lignée exige que la femme redevienne le plus vite possible enceinte.         

Ces différentes raisons, intérêt du mari, intérêt de la famille, expliquent la fréquence de la délégation des tâches nourricières à des nourrices à domicile, le plus souvent des esclaves, dans la Rome antique. La délégation des soins nourriciers suppose un raisonnement de type économique qui accorde aux biens produits par la mère en dehors de l'allaitement une valeur supérieure à ceux procurés par l'allaitement proprement dit. Il existerait donc une hiérarchie des valeurs qui placerait l'allaitement dans une position subalterne par rapport à des biens comme le rôle social de la femme ou sa fécondité. A Rome, le maître de famille applique ce même raisonnement à toutes les femmes de la maisonnée, y compris aux esclaves. Ainsi, le nouveau-né de telle esclave devenue mère sera-t-il confié à une nourrice de moindre valeur pour libérer la mère pour des tâches plus productives, y compris pour allaiter l'enfant d'une autre. L'allaitement de deux enfants par une même nourrice créait une parenté affective qui justifie par exemple qu'un jeune maître affranchisse son frère de lait et leur attribue le nom propre de collacteus[17].

   Le lait de la mère a une valeur marchande dont témoignent les salaires versés aux nourrices et qui peut faire l'objet de spéculation. Sans doute le recours aux nourrices, dans ses différentes formes, nourrices au domicile des maîtres ou bien nourrices chez lesquelles on dépose l'enfant, a-t-il pris durant l'empire romain des proportions non négligeables. Il existait sur le forum, dans le marché aux légumes, une colonne dite "lactaria" près de laquelle s'était fait anciennement le louage des nourrices[18]. Le marché s'est-il diversifié avec l'organisation de l'abandon et le transport des nouveau-nés chez des nourrices au loin ? Il est possible aussi que la limitation de l'adoption sous l'influence du christianisme ait accru ces nouvelles pratiques de placement temporaire des enfants chez autrui, opérant ainsi une "redistribution" des enfants dans les familles selon une hiérarchie sociale du plus riche au plus pauvre.

   C'est probablement la diffusion de ces comportements qui provoque les critiques des philosophes et des moralistes (Plutarque, Tacite, Pline). Un des textes les plus célèbres est celui des Nuits attiques d'Aulu-Gelle[19]. Le philosophe fait parler un autre philosophe, Favorinus, originaire d'Arles en Gaule. Ce dernier constate qu'une jeune femme accouchée appartenant à la haute société impériale s'apprête, sur les conseils de sa propre mère, à recourir à une nourrice ; il tente alors de convaincre la jeune femme d'"être entièrement mère de son fils". Il avance plusieurs arguments dont celui de la continuité de la grossesse et de l'allaitement, celui de la parfaite adaptation des seins à la fonction nourricière, celui du sentiment d'humanité, celui de la transmission du caractère de la nourrice et celui enfin des sentiments liant le bébé à celle qui l'a nourri : "celles qui abandonnent leurs rejetons et les écartent d'elles, les donnant en nourrice à d'autres, brisent ce lien et cette union de l'âme et de l'amour par lequel la nature assemble parents et enfants, ou du moins le relâchent et l'endommagent. [...] Quant à l'enfant lui-même les sentiments de son coeur, d'amour, d'affection, sont placés exclusivement chez celle dont il tire sa nourriture et comme cela se passe pour les enfants exposés, il n'est plus capable de sentiment ni de regret pour la mère qui l'a mis au monde. [...]."  D'Aulu-Gelle à Jean-Jacques Rousseau, les philosophes, pendant des siècles, tenteront ainsi d'argumenter en faveur de l'allaitement par la mère, ce qui prouve la continuité de la transgression en Europe. Mais il ne s'agit pas d'une exclusivité méditerranéenne et européenne puisqu'on retrouve ce type de comportement dans la Chine des Ch'ing (1644-1911) : le néo-confucianiste Zhu Xi critique l'emploi des nourrices par les femmes riches car, explique-t-il, "nourrir un enfant et  tuer l'enfant d'une autre [la nourrice est obligée d'abandonner son propre enfant] n'est pas conforme à la Voie et ne peut être légitime qu'en cas de nécessité"[20]. Au XVIIe siècle, cependant, le recours aux nourrices chez les familles de la haute société est la norme[21].

Depuis l'Antiquité, le recours aux nourrices reste la solution dominante en Europe lorsque la mère n'allaite pas. D'abord limitée aux milieux urbains, la coutume se diffuse dans toutes les couches de la société, singulièrement en France.

Un phénomène européen

Pendant des siècles, deux sources ont alimenté le marché des nourrices, d'une part la demande des milieux aisés, d'autre part la demande des institutions recueillant les nouveau-nés abandonnés. Mais l'habitude de confier ses enfants à des nourrices s'est diffusée dans bien d'autres milieux sociaux, le monde urbain  des artisans et des commerçants des villes par exemple, monde en pleine expansion en Europe entre le Xe et le XIVe siècle et à partir de la Renaissance. Dans un pays comme la France, le recours aux nourrices est suffisamment développé dès le Moyen-Age pour motiver une intervention royale : par l'ordonnance du 30 janvier 1350, sont fixés les salaires des nourrices et des "recommandaresses" chargées de convoyer les bébés jusqu'au domicile des nourrices.

A partir de l'époque moderne, toute l'Europe adopte le type de comportement observé à Florence, y compris les pays anglo-saxons. Les nourrices sont appelées wet nurses en Angleterre, balia en Italie, nodriza ou ama au Portugal.

Mais dès le milieu du XVIIIe siècle, donc avant la publication de l'Emile de Rousseau, le choix de confier son enfant à une autre femme est l'objet d'une critique renouvelée. Sans se contenter de recopier les Anciens, le docteur William Cadogan expose dans un livre publié en 1748 les méthodes simples d'allaitement et recommande l'allaitement direct par la mère[22]. Ce livre connaît un réel succès puisqu'il est réédité vingt fois avant la fin du siècle : ce succès explique-t-il le recul de la mise en nourrice en Angleterre ou bien plutôt est-il l'illustration d'une modification en profondeur des comportements familiaux ? Nous pencherions pour la seconde hypothèse : la famille britannique, plus rapidement que dans le reste de l'Europe, s'est concentrée sur l'unité parents-enfants, investissant la mère d'une fonction éducatrice garantissant la transmission des valeurs familiales[23].

La mise en nourrice des enfants lyonnais

Dans le même temps sur le continent s'est perpétuée et même développée l'industrie nourricière. Le cas de la France est particulièrement intéressant parce que, contrôlée par les autorités officielles (villes, Etat), l'industrie nourricière déjà développée au XVIIIe a sans doute connu une extension maximale au XIXe siècle, en pleine révolution industrielle.

Etudié par Maurice Garden[24], le cas lyonnais est exemplaire d'une situation sociale dans laquelle l'activité économique de la mère revêt une importance cruciale pour la famille et justifie le placement systématique des enfants en nourrice. C'est parce que la femme travaille la soie aux côtés de son mari et de ses grands enfants, parce qu'elle tient l'échoppe de son époux boucher ou boulanger, mais aussi (et peut-être surtout) parce qu'il existe une offre abondante de nourrices dans les régions voisines, que les familles lyonnaises se séparent très vite de leurs enfants. Le placement en nourrice  a pour conséquence directe de rendre les épouses très fécondes : la moyenne calculée dans le milieu des ouvriers en soie d'une paroisse lyonnaise atteint 8,25 enfants par femme, le tiers des femmes donnant naissance à 10 enfants et plus ; le milieu des bouchers était encore plus prolifique puisque les femmes accouchaient tous les ans !

On connaît bien le fonctionnement du marché nourricier lyonnais, bien qu'il n'ait pas existé de Bureau des nourrices avant 1779. Les familles les plus aisées qui pouvaient offrir des salaires élevés, plaçaient leurs enfants dans la ville même ou tout près : on pouvait visiter l'enfant, le contrôle était possible. Plus les familles étaient pauvres, plus elles étaient obligées de placer l'enfant loin ; les hôpitaux d'enfants trouvés cherchaient aussi à placer leurs enfants dans des régions choisies entre 60 et 100 km de Lyon, d'où une concurrence supplémentaire. Vers le milieu du XVIIIe siècles, des plaintes émanent des parents vis-à-vis des nourriciers qui leur rendent leurs enfants malades, mourants ou morts. Les notables s'émeuvent de ce gâchis de vies humaines et tentent d'organiser plus rationnellement le transfert des enfants et la surveillance des nourrices. A l'initiative de Beaumarchais, un institut vient au secours des mères nourrices désireuses d'allaiter elles-mêmes leurs enfants. Lyon demeure pendant tout le XIXe siècle la ville de France qui envoie la plus forte proportion de ses nouveau-nés en nourrice. Vers 1900, l'évaluation est de près de la moitié des enfants[25].

"L'industrie nourricière"  

Lyon est un cas extrême mais toutes les villes de France ont connu l'envoi en nourrice d'une part plus ou moins importante de leurs enfants. Paris, à la fin du siècle dernier, expatriait provisoirement le tiers de ses enfants ; en moyenne générale, un enfant né en France sur dix était placé en nourrice, c'est-à-dire qu'un enfant sur dix vivait ses premiers mois d'existence loin de sa famille naturelle. Ce comportement n'a changé qu'avec la Première guerre mondiale[26].

L'industrie nourricière telle qu'elle se présente en France au milieu du XIXe siècle constitue une des formes de migration entre villes et campagnes mais l'opinion est consciente qu'elle représente aussi une forme cruelle de l'exploitation de certaines classes sociales par d'autres[27]. Il existe en effet toute une hiérarchie de plus en plus discriminante des formes d'allaitement par des nourrices : la bourgeoisie a renoncé à l'envoi au loin de sa progéniture, elle a choisi l'allaitement à domicile par une nourrice au sein, "bourguignotte", plus tard bretonne[28]. La classe moyenne continue d'envoyer ses enfants en nourrice, en essayant de trouver les meilleurs placements, garantis, théoriquement du moins, par les bureaux des nourrices. Les enfants des familles pauvres, les enfants des mères célibataires et les enfants abandonnés doivent se contenter des nourrices les moins cotées, lesquelles sont souvent, comme dans la banlieue de Londres, des nourrices "au biberon". C'est cette situation ainsi que l'excessive mortalité des nourrissons et des enfants des nourrices qui conduisent les parlementaires à adopter la première loi de "protection des enfants du premier âge", loi adoptée en 1874 et qui prévoit la surveillance des nourrices et de tous les enfants de moins de deux ans "placés, moyennant salaire, en nourrice, en sevrage et en garde"[29].

Le marché nourricier se différencie : en 1865, 41 % des bébés nés à Paris sont élevés par 22 428 nourrices, bébés dont 2 864 sont pourvus d'une nourrice sur lieu[30], 2 538 sont des enfants abandonnés, 1 974 sont placés par le bureau municipal, 6 000 sont confiés à une nourrice  directement par les parents, 11 906 sont pourvus d'une nourrice par les bureaux privés [31] . à Lyon en 1890, plus de la moitié des enfants nés sont confiés à des nourrices à emporter[32] (4 203 sur 8 101 naissances), sans compter les 917 bébés pourvus d'une nourrice sur lieu[33]. Vers la fin du siècle, pour l'ensemble du territoire, environ un enfant sur dix est confié à une nourrice chez elle, ce qui concerne près de 100 000 enfants chaque année : en 1896, 191 567 enfants de moins de deux ans sont protégés par la loi Roussel [34] , 96 000 ayant été pourvus d'une nourrice au cours de l'année. Il ne s'agit pas de chiffres négligeables.

La nourrice, l'enfant, les parents : une relation à trois

Le choix de la nourrice se fait souvent pendant les derniers mois de la grossesse de la mère. C'est le cas chez les Mertzdorff, une famille de la bourgeoisie industrielle installée en Alsace. Le ménage se marie en 1858, la jeune femme, Caroline Duméril a 22 ans, l'époux, Charles Merztdorff, 40 ans, il possède une usine de blanchiment et d'impression à Vieux-Thann. C'est en mars 1859, un peu plus d'un mois avant la naissance, que le choix est arrêté au cas où la mère ne pourrait allaiter ; on donnera à la nourrice 40 f. mais Caroline a bien l'intention d'allaiter son enfant, ce qu'elle fait[35]. Le médecin joue un rôle crucial puisqu'il désigne les critères de choix et finalement sélectionne la nourrice dans les milieux aisés. Tous les manuels de médecine des enfants de l'époque contiennent un ou plusieurs chapitres sur cette question cruciale.

La surveillance de la nourrice, même lorsque celle-ci habite tout près, n'est pas facile. Voici une famille vivant en 1848 dans une petite ville bretonne : la santé de l'enfant confié à une nourrice préoccupe la tante de l'enfant qui en a la responsabilité pendant un déplacement de sa soeur : "Hier matin après la grand-messe, nous fûmes voir l'enfant ; la nourrice nous dit qu'il n'avait point eu de selle depuis jeudi, il avait l'air gêné ; on lui introduisit un pied d'oseille trempé d'huile dans le fondement, et au bout de quelques minutes, le petit fit beaucoup d'efforts et il eut une évacuation abondante. Nous sommes toujours dans le doute pour savoir si la nourrice a suffisamment de lait. Craignant qu'il n'ait pas assez abondamment, je lui fais bouillir tous les jours au peu d'orge que je coupe avec du lait sucré, l'enfant prend cette boisson avec plaisir"[36] : visite, intervention thérapeutique, complément alimentaire forment la surveillance exercée par une parenté inquiète.

Mais beaucoup d'enfants échappent à la surveillance parentale parce qu'ils partent à plusieurs centaines de kilomètres : c'est cette situation qui alimente un vaste débat sur la nocivité de l'industrie nourricière. "Le wagon était plein, il y avait trois nourrices munies de deux nourrissons chacune [...]. Les poupons criaient tantôt un à un, tantôt tous ensemble. Les nourrices faisaient boire l'un, changeaient, secouaient l'autre ; les couches salies restaient sur le plancher pour sécher et pour perdre leur odeur repoussante [...]". Le thème de la nourrice a fait couler beaucoup d'encre, y compris celle de la bonne comtesse de Ségur d'où est tiré cet extrait[37]. Autant Balzac célèbre avec lyrisme le bonheur d'allaiter losqu'il s'agit de la mère, autant il critique les parents qui abandonnent leur progéniture aux nourrices car  "l'asservissement de l'enfant français dans ses bandelettes est la liberté de la nourrice, voilà le grand mot"[38]. Il est un fervent partisan de la mère éducatrice, de celle qui consacre tout son temps à élever ses enfants : c'est à elle d'allaiter, de donner le bain, de surveiller la préparation des plats, de faire manger ses enfants.

Maupassant est encore plus féroce dans sa description des nourrices sur lieu : "Elles vont, les grosses femmes pleines de lait, en se balançant et en se souvenant des prés, sans autres idées et sans autres désirs que ceux du pays délaissé... De temps en temps, elles s'asseyent, ouvrent leur robe et versent dans la bouche goulue du petit être assoiffé le flot blanc qui gonfle leurs poitrines ; et le passant qui se promène croit sentir passer dans le vent une bizarre odeur de bêtes, d'étable humaine et de laitages fermentés"[39] : mépris de la paysanne, mépris incommensurable de la femme dans ses fonctions reproductrice et nourricière, Maupassant, qui avait quasiment été abandonné par sa mère, déteste la femme enceinte et allaitante !

Ces témoignages littéraires ne sont probablement pas l'expérience commune mais ils ont exercé une influence certaine dans un pays comme la France : autant l'expérience de l'allaitement maternel est valorisé par les médecins et les pédagogues, autant l'allaitement mercenaire est férocement critiqué, et avec elles les paysannes qui se livrent à cette activité.

Les documents recueillis pour le Morvan par Noëlle Renault donnent toutefois une toute autre image des relations entre parents et familles nourricières (il s'agit de nourrices sur lieu), échanges de nouvelles, marques de reconnaissance, maintien, longtemps après, des liens entre la nourrice et l'enfant devenu grand[40]. M. Foucault, né en 1852, reste attaché à sa nourrice, il lui écrit ainsi qu'à son frère de lait, jusqu'à la mort de celle-ci : "sans doute j'étais bien jeune pour m'en rendre compte mais combien de fois nos parents m'ont-ils dit ce que je devais à son bon coeur et à ses soins maternels [...]. Comment ? Ma nounou enfile encore son aiguille sans lunettes ?"[41] (Nounou a alors 84 ans !) Mais il est difficile de dire s'il s'agit de l'expérience commune ou bien de celle d'une minorité seulement des familles. Combien de parents reconnaissants parmi plusieurs dizaines de milliers, combien de parents indifférents ? Combien de nourrices dévouées et soigneuses ? Combien de négligentes, voire de cyniques ? Il n'est pas possible de répondre avec précision : le tableau n'est ni aussi noir que l'ont décrit certains contemporains ni aussi  rose que l'ont cru certains observateurs soucieux de réhabiliter le monde paysan ou le temps passé. Peut-être aussi, les enfants, s'ils avaient davantage exprimé leurs sentiments, auraient témoigné en masse de leur attachement à ce premier visage de femme, même si la séparation d'avec les parents était traumatisante. D'après les autobiographies analysées par Darya Vassigh[42], c'est bien la séparation d'avec la famille qui marque la mémoire des enfants : la mère qui allaite ne laisse pas de traces, l'envoi en nourrice, si : premier chagrin, première angoisse, primordiale séparation ? La pudeur empêche cependant d'exprimer ses sentiments, sauf exception, à moins que le jugement des adultes ait empêché leur expression. La famille qui se centre sur elle-même, qui s'amenuise, s'accorde moins avec ces allers-retours qui ont forgé des générations d'enfants.

Pour la grande majorité tout de même, l'enfant reste au foyer, c'est la mère elle-même qui s'occupe de  son tout-petit, avec l'aide de domestiques dans les familles aisées et moyennes. Le modèle de la mère au foyer tel qu'il s'est déjà diffusé en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis[43], sans devenir forcément une expérience plus fréquente[44], devient la référence dominante au XXe siècle.

Finalement, ce tour d'horizon nous aura permis de distinguer deux modèles de maternage pour l'Europe : le modèle anglais de l'allaitement par la mère, le modèle français qui a continué plus longtemps à accorder une place importante au recours aux nourrices. Mais il faut ajouter un troisième modèle, celui de l'allaitement par la mère mais au biberon, modèle connu depuis des siècles mais qui n'a été appliqué massivement qu'au XIXe siècle.

L'histoire de l'allaitement en France est originale, puisque les familles ont recouru aux nourrices beaucoup plus tardivement massivement qu'ailleurs en Europe. Malgré les appels de Rousseau, ceux des médecins. D'autre part, le biberon  lui a succédé avec un succès considérable dans tous les milieux sociaux : les raisons de cet artifice sont complexes, de même que celles  qui ont poussé précocement les familles françaises à limiter les naissances.

Avant de conclure sur quelques repères statistiques contemporains qui permettent de situer la France dans le contexte européen, je voudrais évoquer le modèle d'évolution qui  a caractérisé tous les pays industrialisés au XXe siècle. L'entrée dans la "modernité" (entre guillemets) s'est traduite partout par une diminution de la fréquence de l'allaitement maternel. Sous l'influence de quels facteurs ?

- le travail des mères à l'extérieur

- l'indifférence des professionnels de la santé (malgré de brillantes exceptions et le rappel à l'ordre par les médecins... l'allaitement comme un devoir)

- la découverte de la stérilisation du lait, la fabrication de laits en poudre

- l'effet de la mode

- le rejet du modèle de la femme allaitante...

Dans un deuxième temps, sont apparus des facteurs favorisant à nouveau l'allaitement :

- mesures législatives encourageant l'allaitement maternel ( congés, allocations, primes...)

- éducation des mères et des professionnels

- meilleure connaissance des besoins du nouveau-né

- meilleure connaissance des mécanismes de l'allaitement

- réhabilitation des notions de bien-être et de plaisir.

Ce modèle d'évolution a été développé par Michel Péchevis et M.-J. Bonnal en 1975.

Tout montre que dans le cas de la France, un première baisse accélérée s'est produite dès avant la Première Guerre mondiale. Pour 1907-1910, j'ai pu calculer que 48,1 % des nouveau-nés morts avant un an étaient allaités au sein. Certes les bébés allaités au biberon mouraient davantage que ceux allaités au sein : cette proportion ne reflète qu'imparfaitement la fréquence réelle de l'allaitement au sein, elle la sous-estime. Entre les deux guerres, les facteurs favorables (congés, allocations) ne sont pas encore assez puissants pour contrecarrer les facteurs défavorables (effet de mode, diffusion des laits en poudre...). La proportion des bébés morts avant un an allaités au sein stagne entre 40 et 50 %. Après la Seconde guerre mondiale, la décroissance est brutale et soutenue. Parmi les assurées sociales, la proportion des mères allaitant au sein, après avoir augmenté pendant la guerre, diminue brutalement à partir des années 1950 : 67 % d'allaitement en 1949, 56 % en 1950, 51 % en 1951. Ceci est sans doute à mettre en rapport avec l'hospitalisation croissante des mères lors de l'accouchement, avec séparation du nouveau-né de sa mère. Pour les pays scandinaves (Danemark, Suède et Norvège), les études ont montré que le minimum avait été atteint au cours des années 1970. Pour la ville d'Oslo, des statistiques plus anciennes montrent que la remontée de la fréquence de l'allaitement date des années 1920-1930 : 75 % des mères allaitaient alors leur enfant.

Quelques repères statistiques pour terminer.

En France, le taux d'allaitement tel qu'il peut être mesuré à travers les certificats du 8e jour, est inférieur à 50 % A peine la moitié des femmes allaitent 8 jours après la naissance de leur enfant. D'une année à l'autre, les variations sont erratiques entre 40 et 50 % et on ne voit pas d'évolution ferme à la hausse ou à la baisse. Autour de la moyenne de 48,9 % observée en 1997, le taux oscille entre 26,1 % dans le Cantal et 65,2 % à Paris. L'écart entre les départements, qui avait augmenté entre 1972 (d'après une enquête de l'Inserm) et 1989, s'est à nouveau réduit depuis cette date.

La cartographie de l'allaitement s'est un peu modifiée également. En 1972, une ligne Calais-Marseille séparait la France en deux groupes : à l'est, on trouvait des taux d'allaitement supérieurs à 36 %, à l'ouest, des taux compris entre 12 et 27 %, excepté l'Aquitaine. Noter que cette cartographie est exactement inverse de celle que l'on peut établir pour le début du XXe siècle, en décalant la ligne qui devient Saint-Malo/Genève. 25 ans plus tard, la carte est brouillée : si l'on rencontre bien à l'est de la ligne Calais-Marseille les plus forts taux d'allaitement, on y trouve aussi des taux très faibles comme dans la région Nord (29 %).

Le taux d'allaitement varie selon le milieu social : les classes moyennes sont celles qui allaitent le moins, de même que les femmes titulaires d'un diplôme moyen, les femmes les moins diplômées appartenant souvent aux milieux les plus modestes allaitent davantage, de même les femmes les plus diplômées et dont le mari est cadre supérieur.

Autre caractéristique de l'allaitement en France : la durée de l'allaitement est très courte, mais on la mesure mal au-delà de 8 jours. Selon le Dr Marie Thirion, à 3 semaines, 10 % seulement des enfants seraient encore allaités par leur mère. En Suisse, cette proportion est atteinte à 5 mois pour 92 % de bébés allaités à la naissance.

Dans l'ensemble européen, les taux d'allaitement en France sont particulièrement faibles : ils sont inférieurs de moitié aux taux des pays scandinaves (95 % des enfants allaités) ou à ceux de pays comme la Grande-Bretagne (63 %).


[1] Laurent Joubert, Des erreurs populaires et propos vulgaires touchant la médecine, Ve livre, chap. 1, "Exhortation à toutes les mères de nourrir leurs enfants", Bordeaux, 1578, p. 419.

[2] Jean-Claude Desessartz, Traité de l'éducation corporelle des enfants en bas-âge", Paris, 1760, 2e éd. 1799, p. 366.

[3] Prost du Royer, Mémoire sur la conservation des enfants, 1778, p. 14, cité par Badinter; L'Amour en plus, p. 187.

[4] Gilibert, Dissertation sur la dépopulation, 1770, p. 286, cité par Badinter; L'Amour en plus, p. 187.

[5] Verdier-Heurtin, Discours sur l'allaitement, 1804, p. 27-28, cité par Badinter; L'Amour en plus, p. 187.

[6] H. de Balzac, Mémoires de deux jeunes mariées, 1841, Paris, L. Conard, 1912, p. 294.

[7] E. Zola, Fécondité, 1899, édit. Fasquelle, 1957, p. 229-230.

[8] C. Chotard-Lioret, La socialité familiale en province : une correspondance privée entre 1870 et 1920, Doctorat de IIIe cycle, Paris V, 1983, t. II, p. 248-249.

[9] L. Henry, "La lutte sociale contre la mortalité infantile dans le Pas-de-Calais et le Nord", Congrès d'hygiène sociale d'Arras, 1904, p. 41.

[10] Cécile Dauphin, Pierrette Lebrun-Pézerat, Danielle Poublan, Ces bonnes lettres. Une correspondance familiale au XIXe siècle, Paris, 1995, p. 222-223.

[11] Fildes (Valerie), Wet nursing, A History from Antiquity to the Present, Londres, Basil Plackwell, 1988, p. 1-25.

[12] Les cas d'agalactie sont rares : ils existent cependant, comme le raconte Georges Sand (Histoire de ma vie, La Pléiade, t. 1, p. 50). Il s'agit de sa grand'mère Aurore de Saxe, qui voulait nourrir son fils Marice, car elle avait "lu l'Emile avec religion", mais elle n'a pas de lait, il fallut y renoncer "et ce fut pour elle une violente douleur, et comme un sinistre pronostic".

[13] Idem, p. 19 ; Coulon (Gérard), L'Enfant en Gaule romaine, éd. Errancee, 1994, p. 59.

[14] Fildes (Valerie), Wet nursing, op. cit., p. 3-4.

[15] Idem, p. 20.

[16] Par exemple, Budin (Pierre), Manuel pratique d'allaitement, Doin, 1907, p. 80-82.

[17] Corbier (Mireille), "La petite enfance à Rome : lois, normes, pratiques individuelles et collectives", Annales HSS, 1999, n° 6, p. 1280-1281, 1284. On retrouve cette parenté de lait qui crée des liens très forts dans le Maghreb contemporain.

[18] Idem, p. 1271-1271, 1276. Les nourrices venaient peut-être de la campagne proche d'où la localisation de ce marché.

[19] Aulu-Gelle, Les nuits attiques, Les Belles Lettres, Paris, Livre XII, p. 30-34.

[20] Furth (Charlotte), "Concepts of Pregnancy, Childbirth and Infancy in Ch'ing Dynasty China", Journal of Asian Studies, vol. 46, n° 1, 1987, p. 22.

[21] Ping-Chen (Hsiung), "To nurse the young : breastfeeding and infant feeding in late imperial China", Journal of Family History, 1995, p. 223-226.

[22] Cadogan (W.), An Essay upon nursing and the Management of Children from the Birth to three Years of age, Londres, 1758, 9e édit. 1769, 45 p.

[23] Blunden (Katherine), Le travail et la vertu. Femmes au foyer : une mystification de la révolution industrielle, Payot, 1982.

[24] Garden (Maurice), Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, Flammarion, 1975, p. 59-84.

[25] Rollet (Catherine), "Allaitement, mise en nourrice et mortalité infantile en France à la fin du XIXe siècle, Population, n° 6, 1978, p. 1198 ; Rollet (Catherine), La politique..., p. 500-501.

[26] Rollet (Catherine), La politique, op. cit., p. 508-512.

[27] Voir notamment le débat qui a lieu au milieu des années 1860 : Rollet (Catherine), La politique..., op. cit.,  p. 71-88.

[28] Rollet (Catherine), Les nourrices en Bretagne vers 1900, Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest (Anjou, Maine, Touraine), tome 98, n° 4, 1991, p. 407-422. A la veille de la Seconde guerre mondiale, on voit encore en Andalousie des nourrices "sur lieu" avec leurs longues nattes tressées tandis qu'elles ont disparu de Madrid, remplacées par des Anglaises et des Allemandes...(Humphery d'Onfroy,L'enfant et sa mère à travers le monde, Paris, Librairie Plon, 1939, p. 389-390.

[29] Idem, p. 131-136.

[30] C'est-à- dire des nourrices qui allaitent l'enfant au domicile des parents.

[31] C. Rollet, La politique..., op. cit., p. 81.

[32] C'est-à- dire des nourrices qui emportent l'enfant pour l'allaiter chez elles.

[33] C. Rollet, La politique..., op. cit., p. 82 et p. 501.

[34] La loi de protection des enfants du premier âge, préparée par le Dr Théophile Roussel (1816-1903), député, est adoptée le 23 décembre 1874 : "Tout enfant de moins de deux ans qui est placé, moyennant salaire, en nourrice, en sevrage ou en garde hors du domicile de ses parents, devient par ce fait, l'objet d'une surveillance de l'autorité publique, ayant pour but de protéger sa vie et sa santé". Voir le chapitre 7.

[35] Lettre inédite du 20.3.1859 aimablement prêtée par les descendants de la famille Mertzdorff, que je remercie chaleureusement. Une partie de la correspondance de la famille Mertzdorff a fait l'objet de la publication : C. Dauphin, P. Lebrun-Pézerat, D. Poublan, Ces bonnes lettres..., Paris, A. Michel, 1995.

[36] Archives privées de la famille Perrio, lettre du 2 janvier 1848.

[37] Comtesse de Ségur, Les deux nigauds, Hachette, 1870, 5e édit., p. 46.

[38] H. de Balzac, Mémoires..., op. cit., p. 329.

[39] Les servantes, extrait cité par Le Monde 2 avril 1988.

[40] N. Renault, Les nourrices du Morvan, Association "Nourrices du Morvan", Lormes, 1995, 119 p. ; Au temps des nourrices du Morvan, Association "Nourrices du Morvan", Lormes, 1997, 172 p.

[41] N. Renault, Au temps des nourrices..., op. cit., p. 97-98. 

[42] D. Vassigh, Les relations adultes-enfants dans la seconde moitié du XIXe siècle (1850-1914), Paris VII, 1996, p. 43.

[43] K. Blunden, Le travail et la vertu. Femmes au foyer : une mystification de la Révolution industrielle, Payot, 1982, 251 p.

[44] Le taux d'activité des mères resta élevé et toléré pendant tout le XIXe siècle, par suite d'une relative pénurie de main d'oeuvre masculine.

 
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